« L’aïkido est-il vraiment efficace ? M’apprendra-t-il à me défendre en cas d’agression ? » C’est ce que se demandent souvent les débutants et les néophytes ; « l’aïkido n’est pas sérieux, les partenaires sont complaisants » répond parfois le sceptique en faisant la moue, préférant se tourner vers d’autres arts plus démonstratifs…
On vient souvent aux arts martiaux la tête emplie d’images populaires, fournies en abondance par le cinéma et la télévision. La réalité est cependant bien plus prosaïque et il peut sembler nécessaire de clarifier quelque peu ces questions.
Tout d’abord, on peut souligner que l’aïkido est l’héritier direct de pratiques martiales ayant effectivement fait leurs preuves sur des champs de batailles. A ce titre, il est constitué de techniques dont le sérieux guerrier n’est pas à mettre en doute. Le fondateur de l’aïkido lui-même, on le rappelle, fut effectivement soldat, et même instructeur de baïonnette pour l’armée.
Pour autant, les duels au sabre sont devenus fort rares, et les occasions de se défendre contre une attaque au poignard ne sont heureusement pas quotidiennes. Ne serait-il pas vain, alors, de pratiquer ces arts en s’imaginant que notre vie en dépendra aussi concrètement qu’en dépendait celle du samouraï du japon médiéval ? C’est d’ailleurs pour de semblables raisons (avec l’extinction de la caste des samouraïs au début de l’ère Meiji) que les techniques guerrières japonaises (bujutsu) sont devenus des arts martiaux (budo) : le dépassement de la simple utilité guerrière ouvrait à ces techniques un nouvel horizon, tourné vers le développement personnel, l’élévation : la voie (do) pouvait supplanter la technique (jutsu), dont l’utilité était devenue secondaire.
Pratiqué au dojo, l’aïkido ne connait pas l’affrontement. Lors de la pratique à deux, on recrée les conditions d’un combat fictif, à travers lequel on étudie les grands principes de gestion de la dynamique du partenaire, qui sont aussi les grands principes directeurs de toutes les disciplines martiales : l’attitude (shisei), le temps et la distance (ma-ai), la garde (kamae)… Ainsi, la question de l’efficacité martiale n’est pas définitivement évacuée, mais elle est envisagée plus profondément : discipline physique et mentale complète, l’aïkido développe chez le pratiquant la confiance en soi, l’aptitude à gérer les situations de la vie, une capacité à appréhender au mieux toutes les relations qui peuvent l’unir aux autres – dont le conflit n’est qu’un exemple parmi d’autres.
Mais que tous ces grands mots ne vous fassent pas peur ! Vous constaterez que votre pratique sur le tatami sera bien plus concrète, et comportera, fort heureusement, son lot de frappes, saisies, projections, clefs, immobilisations… Car si la guerre n’est pas la finalité de l’aïkido, elle en est bien le point de départ et l’outil éducatif principal. « Tuer n’est que le début de l’étude », selon cette formule que l’on prête parfois à Morihei Ueshiba…
Alors, l’aïkido est-il vraiment efficace ? Certainement. Mais il faut aussi s’empresser d’ajouter : mais là n’est pas la question… Et il serait illusoire de croire aussi que telle est la question dans nombre d’arts martiaux modernes.